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CONJONCTURE

12 avril 2004

La vraie stature de Sarkozy, 12 avril 2004 Après

La vraie stature de Sarkozy, 12 avril 2004

Après les effets d'annonce liés à son intronisation, Nicolas Sarkozy devrait accomplir cette semaine les premiers actes concrets de sa nouvelle mission en négociant la vente d'une partie de l'or de la Banque de France. Après quoi, le ministre de l'Economie préparera un budget 2005 extraordinairement difficile, tout en essayant de limiter les dérapages du budget 2004.

 

N'ayant aucune prise sur les facteurs extérieurs déterminants que représentent l'activité économique mondiale, le prix du pétrole, la parité entre l'euro et le dollar et les taux d'intérêt, Nicolas Sarkozy a décidé d'agir sur un des paramètres qu'il peut contrôler: la confiance des ménages pour les inciter à consommer afin de soutenir une croissance hésitante. A cette fin, il ajoute à son aura personnelle, des techniques psychologiques empruntées à quatre de ses prédécesseurs : Pinay pour la gestion de "père de famille", Giscard pour la communication pédagogique, Barre pour la tenue rigoureuse du budget, Balladur pour la dimension "capitalisme populaire" des privatisations.

 

La vente de 100 tonnes d'or, sur 3 024 tonnes détenues par la Banque de France, ne rapporterait qu'un milliard d'euros, soit le millième de la dette publique. La portée pédagogique de ce geste n'en serait pas moins importante. Pour rétablir la confiance, Antoine Pinay avait indexé son emprunt sur l'or qui était alors le refuge suprême. Autres temps, autres signes: l'or fait aujourd'hui partie de ces actifs dormants dont Nicolas Sarkozy veut délester l'Etat.

 

Dans le même ordre d'idées, la puissance publique devrait mettre 12 millions de mètres carrés de bureaux sur le marché de l'immobilier. Puis un tiers du capital de la SNECMA  sera introduit en bourse en même temps qu'une nouvelle tranche de France Telecom. A elles seules, ces deux opérations ouvertes aux particuliers pourraient rapporter près de 10 milliards. Le CAC 40 ayant progressé de 30% en un an, le gouvernement se hâtera de vendre d'autres participations, dont la participation de 35 % de la Caisse des dépôts et consignations dans les Caisses d'épargne, pour 10 milliards supplémentaires, soit un total de 20 milliards en quelques mois alors que le budget 2004 ne prévoyait que 4 milliards de recettes procurées par les privatisations. Une partie des 16 milliards supplémentaires servira à consolider le capital d'entreprises publiques, notamment GIAT Industries et la DCN, l'autre partie devrait freiner la dérive d'une dette publique qui dépasse 1045 milliards. Les intérêts de cette dette coûtent, à eux seuls, 40 milliards par an, soit 80% de ce que rapporte l'impôt sur le revenu, soit encore le deuxième budget civil après celui de l'Education nationale.

En même temps que ces ventes destinées à montrer que le gouvernement s'attaque au problèmes structurels, Nicolas Sarkozy gèlera 4 milliards dans un budget 2004 dont le déficit dérape vers 4,1 % du PIB alors que la France s'était engagée à le ramener à 3,6 %. 

 

C'est au cours des quinze prochains jours, que le nouveau ministre de l'Economie donnera la véritable mesure de sa stature politique, lorsqu'il rédigera les lettres de cadrage pour le budget 2005. Un budget "impossible" s'il prétend prendre en compte simultanément la pente abrupte des déficits, les exigences structurelles des ministères régaliens et des ministères politiquement prioritaires, les engagements fiscaux du candidat Jacques Chirac et les inflexions sociales récemment imposées par le président de la République. 

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8 avril 2004

Des pigeons dans le tunnel 07 avril 2004 En

Des pigeons dans le tunnel   07 avril 2004

 

En dehors des grandes vagues de nationalisations ou de privatisations, le capitalisme français n’aura connu en soixante ans que deux vrais chocs psychologiques : l’OPA de BSN sur Saint-Gobain en 1967 et le renversement du conseil d’administration d’Eurotunnel par une coalition de petits porteurs.

 

L’OPA d’Antoine Riboud sur le puissant groupe verrier avait été le premier « raid » financier jamais lancé en France par une entreprise sur une autre. L’assaillant, propriétaire de Gervais-Danone, avait échoué mais les caciques de la finance et de l’industrie, le monde politique et l’opinion avaient été impressionnés par la brutalité de l’attaque. Ce traumatisme lointain a des résonances jusque dans l’actualité d’eurotunnel. En 1967, l’establishment stigmatisait un comportement de cow-boy; aujourd’hui les vaincus dénoncent un hold-up.

 

En fait, dans les deux cas, les convulsions étaient liées à des évolutions internes du capitalisme. A la fin des années soixante, il passait de l’ère des grandes familles prporpriétaires à l’ère des managers. Aujourd’hui, c’est peut-être le signe annonciateur de l'avènement d'un vrai pouvoir des actionnaires.

 

Rien de ce qui s’est passé le 7 avril 2004 n’eût été possible, en effet, sans la loi du 15 mai 2001 sur les Nouvelles Régulations Economiques. Elaborée par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin dans le contexte de défiance boursière des scandales Enron et Andersen, les textes législatifs et réglementaires rassemblés sous le sigle « NRE » essaient d’améliorer la gouvernance des sociétés cotées en renforçant les pouvoirs des actionnaires minoritaires. Ceux-ci peuvent imposer une assemblée générale extraordinaire contre l’avis de la direction en place.

 

Le capitalisme français est un des plus verrouillés au monde avec des participations croisées qui associent des groupes d’administrateurs venant de la banque, de l’assurance, de l’industrie ou des communications au sein de trois grandes triades qui se partagent l’essentiel des participations dans les poids lourds du CAC 40. En plaçant les mêmes administrateurs dans un grand nombre de sociétés, elles ont généré une  «consanguinité » préjudiciable à la transparence. L’absence de contrôle sur les agissements de Jean-Marie Messier à la tête de Vivendi est la plus récente illustration de ces dangereuses connivences.

 

Depuis plusieurs années, des associations d’actionnaires individuels, comme celle de Colette Neuville, font campagne pour que les assemblées générales annuelles cessent d’être des rituels creux. Depuis le printemps 2002, la chute des cours et les scandales financiers rendent les assemblées générales de plus en plus houleuses et risquées pour les administrateurs défaillants. La révocation des dirigeants d'Eurotunnel en assemblée générale extraordinaire est donc la manifestation d’une tendance de fond.

 

Mais cette illustration reste atypique. L’endettement de la société Eurotunnel n’est pas imputable à la direction limogée. Elle vient du fait que les Etats refusent d’investir dans une infrastructure dont la rentabilité ne pouvait être que très lente. Les banques ont joué un rôle ambigu en présentant le titre comme l’affaire du siècle. La stratégie des nouveaux dirigeants, qui semble conduire tout droit à un affrontement tarifaire avec la SNCF, n’est pas de bonne augure.  Enfin, l'étrangeté du binôme Maillot-Miguet, la personnalité bizarre de l'un deux personnages incitent à se demander si les pigeons qui ont acheté pour 20 euros des titres qui valent 0,6 euros n'ont pas été entraînés dans un tunnel piégé.

8 avril 2004

EDF reconfigurée pour le cas où... 06 avril 2004

EDF reconfigurée pour le cas où... 06 avril 2004

 

Les engagements formels pris par Nicolas Sarkozy sur l'avenir d'EDG-GDF et celui des salariés des groupes énergétiques sont de nature à dissiper partiellement les craintes des syndicats à propos de possibles privatisations.

 

L'hypothèse d'une privatisation n'est jamais totalement exclue dès lors que l'évolution de la nature juridique des anciens monopoles les facilitent. Sans remonter jusqu'au démantèlement de l'ORTF qui a abouti à la privatisation de TF1 treize ans plus tard, les cas d'Air France et de France Telecom décrivent les conséquences logiques d'un changement de statut. L'enchaînement s'effectue ainsi : le service public devient établissement public à caractère industriel et commercial puis société anonyme avec une participation de l'Etat de plus en plus minoritaire.

 

Cette métamorphose s'exprime en glissements sémantiques particulièrement subtils quand un gouvernement de gauche n'ose pas avouer qu'il va privatiser. Il proclame d'abord un tonitruant « ni-ni » ( ni nationalisation, ni privatisation) qui se présentecomme la garantie de pérennité de l'économie mixte dans laquelle les Français vivent depuis la Libération. Puis il injecte un vocabulaire écologiste dans le mécano industriel en invoquant la nécessité, en général imposée par Bruxelles, d'une « respiration » du secteur public. La « respiration » en question n'est jamais que la traduction, en langage de gauche, de l'expression « ouverture du capital » que la droite, moins hypocrite en l'occurrence, utilise sans mauvaise conscience. Après quoi, le secteur public « respire »  de  plus en plus jusqu' à ce que les capitaux privés deviennent majoritaires.

 

Dans le cas d'EDF et de GDF, une privatisation n'est pas exigée par la Commission européenne dans la mesure où les deux groupes se soumettent à la concurrence. Ce sera le cas en juillet prochain quand les entreprises pourront choisir leurs fournisseurs en énergie.

 

L'ouverture du capital pourrait être décidée par le seul gouvernement français pour trouver de l'argent à des fins précisément définies par Bruxelles: le produit de la vente des « bijoux de famille » ne peut servir qu'à désendetter le secteur public, c'est à dire indirectement l'Etat qui subventionne, mais pas à équilibrer un budget ou à financer de nouvelles dépenses. Actuellement, et pour peu que le climat boursier s'y prête, l'Etat pourrait empocher 55 milliards d'euros en privatisant dix entreprises dans lesquelles il détient des participations d'importances variables.

 

EDF et GDF ne figurent pas  à l'inventaire des actifs à céder pour réduire une dette publique qui s'élève à 64% de la richesse nationale et qui pourrait monter jusqu'au taux aberrant de 67% dans les deux années qui viennent. C'est la raison pour laquelle si la privatisation formelle est exclue par crainte d'un affrontement social, l'ouverture du capital est inéluctable. Le changement de statut s'impose pour permettre de recapitaliser les groupes energétiques mais il correspond au scénario qui aboutit à la privatisation de France Telecom. Dans un premier temps, le statut de l'entreprise est modifié mais celui des salariés en place est préservé. L'embauche de salariés relevant de ce statut est arrêtée. Seuls sont embauchés des salariés relevant du statut d'une entreprise privée. Quelques années plus tard, les salariés "bénéficiant" de l'ancien statut de l'établissement public sont invités à aller travailler dans l'Administration pour garder leur statut...de fonctionnaire. Alors, la privatisation peut s'accélerer.

2 avril 2004

Stratégie recadrée, Raffarin encadré, 01 avril

Stratégie recadrée, Raffarin encadré, 01 avril 2004

Recadrer l'action gouvernementale tout en poursuivant l'adaptation du pays aux évolutions mondiales. Tel était le propos du président de la République qui est intervenu à la télévision pour ordonner à son Premier ministre de réparer quatre erreurs commises au cours des derniers mois. Pour faire comprendre concrètement à Jean-Pierre Raffarin, comment il veut que les grandes réformes soient désormais réalisées, Jacques Chirac lui a interdit de recourir aux ordonnances redresser la situation financière de la Sécurité sociale. 

 

Difficile d'être plus sévère à l'égard du libéralisme dogmatique de Jean-Pierre Raffarin, dogmatisme aggravé par le manque de professionnalisme du gouvernement dont presque tous les membres ont été limogés aux lendemains des élections régionales.

 

En vieux routier de la chose publique et de la démocratie représentative, qui a été personnellement marqué par les crises de mai 68, de 1988 sur la loi Devaquet et de décembre 1995 avec les réformes Juppé, Jacques Chirac n'a pas seulement écouté les Français mécontents. Il a donné raison aux chômeurs en fin de droits, aux intermittents du spectacle et aux chercheurs contre son Premier ministre reconduit. Un premier ministre auquel il a sèchement interdit de recourir aux ordonnances pour réformer l'assurance maladie.

 

Le professionnel de la politique ne tolère pas que deux mesures impopulaires s'additionnent, par manque de coordination entre les ministères, aboutissant à jeter brutalement des dizaines de milliers de chômeurs dans la précarité. Il exige donc que soit revue et corrigée la décision de suspendre l'Allocation Spécifique de Solidarité. Le Président semble avoir mieux compris que son ancien ministre de la Culture et que son Premier ministre maintenu les raisons pour lesquelles de jeunes artistes sont révulsés par la réforme du système d'allocations de chômage des travailleurs intermittents du spectacle. Il était proprement stupéfiant d'entendre le chef de l'Etat, apparemment mieux informé que ses ministres, dénoncer les grandes entreprises –dont les chaînes de télévision publiques – comme étant les principales bénéficiaires du système remis en cause par le gouvernement. De la même manière, pétrie de bon sens mais cinglante pour l'ancien gouvernement, il a estimé « conforme à l'intérêt national » les aspirations des chercheurs auxquels ont été retirés les crédits votés par la Parlement.

 

Enfin et surtout, il y a le désaveu du recours aux ordonnances sur lesquelles Jean-Pierre Raffarin fondait ses espoirs de faire passer, l'été prochain, sans trop d'agitations dans les rues, une réforme de la Sécurité sociale qui s'annonce plus difficile que la réforme des retraites. C'est une véritable leçon de culture politique qui a été assénée au Premier ministre à travers le rappel aux fondations du système de protection collective. Il y a de la lucidité, et de la dignité, à empêcher que le Pacte Social érigé en 1945 soit modifié en douce et sans discussion pendant les vacances. Jacques Chirac ne se fait sûrement pas d'illusions sur la possibilité d'obtenir avec les syndicats et les partis de gauche un consensus sur une réforme qui met en jeu d'énormes intérêts antagonistes : ceux des entreprises pharmaceutiques, des médecins, des cotisants et des assujettis. Mais, au moins, il aura ouvert un débat que Jean-Pierre Raffarin avait tenté de verrouiller avec la procédure des ordonnances.

 

Quatre hommes ont été désignés comme symboles de l'action gouvernementale ainsi recadrée: Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, Philippe Douste-Blazy et Jean-Louis Borloo. Ce sont apparemment les valeurs sûres de la deuxième partie du quinquennat. Avec ou sans Raffarin.

2 avril 2004

L'aveuglement libéral,30 mars 2004 Le

L'aveuglement libéral,30 mars 2004

Le gouvernement Raffarin a été victime d'un aveuglement libéral. Cette cécité politique est fondée sur un postulat non vérifié, sur un dogmatisme arrogant et sur une dose exceptionnelle d'incompétence dans la mise en oeuvre d'une stratégie instable.

L'aveuglement libéral est né à la fin des années soixante-dix quand, sous l'influence des théoriciens de l'école ce Chicago, Reagan et Thatcher ont récusé l'Etat-providence et le keynesianisme pour placer la stabilité monétaire et l'intérêt prioritaire des actionnaires au centre de toute stratégie économique. Après l'effondrement de l'URSS et l'extinction du modèle communiste comme alternative possible, le pari des "reaganomics" est devenu une assertion sans réfutation rationnelle. Il en est résulté, dès la fin des années quatre-vingt-dix, un postulat inédit: le Progrès n'est plus l'apanage du Socialisme; le Progrès est porté par le Libéralisme. Les partis de droite sont désormais progressistes et, donc, les partis de gauche incarnent l'immobilisme. Ce postulat est révolutionnaire dans la mesure où il renverse complètement l'assimilation historique "Progrès = socialisme = gauche et Conservatisme (immobilisme) = libéralisme = droite". Mais ce postulat n'est pas scientifiquement vérifié pour la simple raison que le contenu du Progrès a changé de sens en passant du socialisme au libéralisme et de gauche à droite. Pour les libéraux français, le Progrès c'est l'adaptation de l'économie française à l'évolution du monde tel qu'il est, c'est à dire dominé par le libéralisme. Or, sil est désormais démontré que le modèle communiste n'était pas progressiste pour la simple raison qu'il n'était pas viable, il n'est pas prouvé que le modèle libéral ait un contenu progressiste plus viable.

Cette incertitude sur la validité de la nouvelle croyance n'a pas empêché les droites européennes, française et espagnole notamment, de proclamer que le socialisme - en fait: la sociale-démocratie - était devenu synonyme d'immobilisme et de régression par rapport à un monde libéral incarnant le mouvement vers le Progrès. L'aveuglement provoqué par ce dogme a été aggravé, au sein de la droite libérale française, par la certitude que la gauche électoralement défaite en avril 2002 serait neutralisée pour de longues années au niveau des hommes, mais surtout au niveau des idées. Le libéralisme pouvait agir sans entraves.

En voulant faire la démonstration que le libéralisme est désormais plus progressiste que la sociale-démocratie, le gouvernement Raffarin a provoqué dans le salariat une exaspération qui s'est manifestée dans les rues à partir de l'hiver 2003 puis dans les urnes les 21 et 28 mars 2004.

Pour avoir voulu rattraper le temps que les socialistes auraient fait perdre à la France entre 1997 et 2002, le gouvernement Raffarin a multiplié les mesures rarement pertinentes qui ont brouillé ce que son message libéral pouvait avoir, éventuellement, de progressiste.

Tout a commencé à l'automne 2002 avec la suppression des emplois-jeunes qui a "estomaqué" tout le monde, y compris dans l'électorat de droite, parce que le dispositif conciliait une rélle efficacité au niveau de l'insertion professionnelle avec la portée hautement symbolique d'une attitude d'accueil à l'égard des générations montantes. La suppression des emplois-jeunes a produit l'effet d'une porte brutalement claquée au nez de jeunes qui veulent entrer dans la vie active et que le gouvernement renvoie directement dans la précarité. Cette première manifestation d'aveuglement libéral a été d'autant moins comprise que le retour à la solution de l'allègement des charges des entreprises pour favoriser l'embauche n'a rien donné.

Par la suite, les maladresses de ce genre se sont multipliées. Sur l'aide aux étudiants, sur les allocations aux femmes seules élevant un enfant, sur l'allocation spécifique de solidarité et sur la rupture unilatéral du contrat moral passé avec les salariés à la recherche d'un emploi. En sorte que le libéralisme est rapidement apparu comme indifférent aux conséquences humaines de ses réformes.

Le discours de Jean-Pierre Raffarin sur "la France d'en bas" avait été vidé de toute substance et de toute crédibilité avant que ne commence l'année 2003 dominée par une défiance croissante entre gouvernés et gouvernants. La confrontation avec le monde enseignant et la réforme des retraites ont été deux exemples d'aveuglement gouvernemental progressivement ressenti comme du mépris teinté de sournoiserie. L'impression a été donnée que le dialogue social était une mascarade juste bonne à habiller les décisions déjà prises. La CFDT, qui était disposée à dialoguer avec le gouvernement libéral, a été discréditée et les enseignants ont été inutilement humiliés par un pouvoir hautain. Le MEDEF, qui n'a jamais cessé d'en rajouter dans la provocation idéologique, a accentué le sentiment d'insécurité dans le salariat tandis que les allègements d'impôts et les "cadeaux" consentis aux entreprises donnaient le sentiment que la France était dirigée par un "gouvernement de classe".

Cette stratégie de la réforme libérale aveugle a été interrompue par le résultat des élections régionales et cantonales. L'agenda comportait pour le 8 avril l'examen parlementaire de la "punition" infligée aux Français après la canicule de l'été 2003: un jour de travail en plus. Les syndicats et les salariés savaient déjà que la réforme de la Sécurité sociale allait être réalisée en trompe-l'oeil puisque le recours annoncé aux ordonnances signife que les décisions sont prises avant même l'ouverture de la concertation.

Le vote du 28 mars exprime peut-être moins le refus d'aller plus loin, non pas dans les réformes, mais cette façon de réformer. Le libéralisme aveugle est d'autant moins supportaple qu'il tarde à apporter la preuve de son efficience. En 2003, tous les indicateurs conjoncturels - dette, déficits, prélèvements obligatoires, création nette d'emplois - sont passés au rouge. Seul le montant des dividendes versés aux actionnaires a augmenté.

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23 mars 2004

Bruxelles veut "réguler" Microsoft, 23 mars 2004

Bruxelles veut "réguler" Microsoft, 23 mars 2004

 

En infligeant une amende historique à la firme Microsoft pour abus de position dominante, la Commission de Bruxelles donne une leçon de régulation libérale aux Etats-Unis. Cette leçon est d'autant plus facile à administrer que l'Europe ne dispose pas d'une industrie logicielle susceptible de rivaliser avec les groupes américains qui ont construit et gèrent l'univers de l'informatique et des réseaux.

 

Pour bien apprécier la portée d'un procédure qui risque de se prolonger sur plusieurs années, il faut comparer les ordinateurs à des usines, les systèmes d'exploitation à des contremaîtres et les logiciels à des ouvriers. Le point de départ de tous les litiges passés et à venir réside dans le fait qu'avec ses systèmes d'exploitation Windows, Microsoft fait tourner 96% des ordinateurs en activité sur la planète.

 

Quand il est critiqué sur ce quasi-monopole, Bill Gates, le fondateur de Microsoft, répond que cette situation est le résultat d'un effort jamais relâché en recherche et développement. Quand on lui dit que les consommateurs doivent pouvoir choisir, il réplique qu'ils ont déjà choisi et que sanctionner la réussite d'un produit est anti-libéral. Quand on lui fait valoir que seule la concurrence favorise le progrès, sa réponse trahit une obsession hégémonique : les systèmes Windows ont progressé sans concurrence…

 

L'ennui, c'est que la concurrence est vive sur le marché des logiciels. Prenant volontiers la posture du visionnaire des réseaux électroniques, le milliardaire aux allures d'étudiant s'est, dans le passé, lourdement trompé. Quand il n'a pas cru à l'essor d'internet, par exemple. Plus lucide, une petite société californienne avait développé un logiciel de navigation, Netscape, qui a humilié Microsoft.

 

C'est alors que les abus de position dominante ont commencé. Microsoft a installé d'office ses logiciels dans ses systèmes d'exploitation, interdisant en quelque sorte à d'autres « ouvriers » de faire travailler les ordinateurs. L'administration Clinton et 19 états américains ont poursuivi Microsoft en justice mais, l'Amérique n'étant libérale que quand ça l'arrange, l'administration Bush a conclu un arrangement:  Bill Gates avait contribué plus substantiellement au financement de la campagne du candidat républicain qu'à celle du candidat démocrate. Entre-temps, le navigateur Netscape avait été pratiquement éliminé par celui de Microsoft.

 

C'est ce qui est en train de se reproduire avec les lecteurs de musiques et d'images numériques. Microsoft ne permet pas vraiment à l'acquéreur d'un ordinateur de choisir entre l'application Windows Media Player et sa concurrente RealNetworks qui est inéluctablement marginalisée.

 

Le plus intéressant dans la leçon de régulation libérale prodiguée par la Commission de Bruxelles n'est pas le montant de l'amende – 497 millions d'euros - la plus élevée dans les annales des sanctions européennes, car cette somme ne représente qu'une petite dépense par rapport aux 40 milliards d'euros disponibles dans le tiroir caisse de Bill Gates.

 

La vraie contrariété, c'est l'obligation que veut lui imposer Bruxelles d'ouvrir son prochain système d'exploitation, « Longhorn », à toutes les applications à venir. 

18 mars 2004

Dollar, pétrole et bulles spéculatives, 18 mars

Dollar, pétrole et bulles spéculatives, 18 mars 2004

L'augmentation récente et spectaculaire du prix du pétrole ne constitue pas une menace directe pour le croissance économique en Europe. Elle est même susceptible d'éviter un krach sur le marché des emprunts.

 

Deux évènements ponctuels ont déclenché la hausse brutale, au-delà de 38 dollars le baril, dans la nuit de mercredi à jeudi: les craintes d'instabilité consécutives aux attentats de Madrid et des menaces du président vénézuélien. Ces inquiétudes sont relativisées par le retour en force sur le marché de l'énergie de la Libye où une compagnie américaine a ouvert des bureaux lundi dernier. La tendance de fond est à une progression modérée du prix du brut.

 

Rien de tel que l'or noir pour transposer la bonne vieille loi de l'offre et de la demande dans  l'univers économique contemporain. La demande d'énergie est dictée par la croissance économique. Si la croissance mondiale passe de 3,2% en 2003 à 4,2% en 2004, le besoin de pétrole augmentera globalement de 2%. Face à une telle perspective, les producteurs se frotteraient les mains si les Américains n'avaient pas dévalué le dollar de 50% en trois ans, réduisant d'autant leurs recettes.

 

Pas contents, les exportateurs de pétrole cherchent à diminuer l'offre par une politique dite « de quotas de production », afin que les prix grimpent automatiquement sous la pression d'une demande croissante. On appelle « fourchette OPEP » la traduction tarifaire de cet affrontement entre de l'or noir qui se veut plus rare, donc plus cher, et le billet vert qui se dévalue au fur et à mesure que l'or noir se renchérit.

 

En 1998, la fourchette était tombée à 10-15 dollars. L'année suivante, elle est passée à 11-25 dollars. En 2000, elle s'est stabilisée à 22-28 dollars. Les attentats du 11 septembre 2001, la crise du transport aérien et le ralentissement économique ont ramené le prix moyen du baril en dessous de 25 dollars. Après la guerre en Irak, il est remonté à 29 dollars. Mais ces dollars ont perdu la moitié de leur pouvoir d'achat.

 

Les exportateurs veulent réduire la production afin de hisser la « fourchette OPEP »entre 28 et 32 dollars. L'ennui pour l'OPEP est qu'elle ne représente plus que 40% de la production mondiale; en outre, certains de ses membres (Algérie, Iran, Niger) ne respectent pas les quotas. La Russie, la Norvège et le Mexique vendent à leur gré et si la production irakienne ne pèse pas encore de manière décisive, la réconciliation entre la Libye et les Etats-Unis neutralise les décisions de L'OPEP.

 

Le problème immédiat, largement responsable de la hausse historique à 38 dollars le baril, vient des anticipations de fonds spéculatifs qui ont pris des options sur des centaines de millions de barils en espérant empocher la différence entre des cours élevés à venir et un prix d'achat plus bas ces derniers mois.

 

En fait, la hausse du pétrole permettra peut-être de dégonfler en douceur une « bulle » financière encore invisible. Les banques américaines achètent à 1% à la Réserve fédérale des sommes considérables qu'elles prêtent à 4% à l'Etat américain. Si la reprise économique fait augmenter le loyer de l'argent et baisser les taux obligataires, les banques seront étranglées, le krach sera inévitable. En agitant le spectre d'une récession, le cours élevé du pétrole justifie le maintien à un niveau très bas du loyer de l'argent.

 

En  attendant que l'euro prenne la relève du « pétro-dollar », en vertu d'une remarquable stabilité à 26 euros le baril depuis trois ans.

9 mars 2004

La ponction publique s'accroît, 09 mars 2004

La ponction publique s'accroît, 09 mars 2004

L'Institut National de la Statistique signale qu'en 2003 les prélèvements obligatoires  ont progressé de 0,1%. Cette donné condisent les allègements fiscaux annoncés par le président de la République. Elle marque surtout une inversion de tendance qui pose la question de savoir si les Français peuvent choisir entre ce qu'ils attendent de l'Etat et la baisse de leurs impôts et cotisations.

 

Les prélèvements obligatoires sont constitués de trois ponctions effectuées sur la richesse nationale ou Produit Intérieur Brut: la fiscalité directe et indirecte perçue par l'Etat, les impôts locaux, les cotisations sociales enlevée aux salaires bruts pour être versées à l'assurance maladie, à l'assurance chômage et à l'assurance vieillesse.

 

Le pourcentage du PIB capté pour financer tous ces besoins publics a commencé à croître en 1979 lorsqu'il est passé de 38 à 40 % de la richesse nationale. Les prélèvements sont montés jusqu'à 44 % au début des années quatre-vingt puis se sont à peu près stabilisés de 1986 à 1996. Cette année-là – après le plan Juppé pour rééquilibrer les comptes sociaux - ils ont atteint 44,8 % et ont battu le record absolu à 45,5% en 1999. Ils ont été ramenés à 45% en 2000 avant de descendre à 44,7 % en 2001 puis à 43,8% en 2002.  Avec un taux de captation de 43,9% l'année écoulée ne marque donc pas un dérapage mais une inversion de tendance.

 

L'examen détaillé des trois types de prélèvements montre que ce sont les Français eux-mêmes qui s'infligent un alourdissement de la ponction publique. En effet, la fiscalité d'Etat passe de 15,8% du PIB en 2002 à 15, 3% en 2003 soit une diminution de 0,3%. Les impôts locaux passent de 5 % du PIB en 2002 à 5,1% soit une augmentation de 0,1%. Mais les cotisations au caisses de sécurité sociale – maladie, chômage, vieillesse – augmentent de 21,5 à 21,9 %, soit + 0,4% en un an.

 

Il y a peu de chances pour que les prélèvements obligatoires recommencent à baisser car la France s'endette et la contribution forcée est la seule manière d'éponger des dettes.

 

La Sécurité Sociale, par exemple, a une « ardoise » de 38,35 milliards d'euros à la Caisse des Dépôts et Consignations. La Contribution au Remboursement de la Dette Sociale devrait donc être doublée, passant de 0,5% à 1% de manière à drainer 9,4 milliards par an sur tous les revenus et éteindre la dette sociale, avec ses intérêts, avant l'échéance de 2014. Un doublement de la CRDS sera peut-être compensé par l'allègement de la fiscalité d'Etat. Mais il est possible que le gouvernement se résigne à augmenter aussi la CSG après la réforme de la Sécurité Sociale en juillet.

 

Quant à la hausse des impôts locaux, qui sera chiffrée en avril, elle paraît inéluctable.

 

D'une manière générale, et même si une forte reprise économique procurait un supplément de recette spontanées, il est impossible qu'une dette publique qui atteint désormais le niveau record de 63% du PIB soit résorbée sans une participation nouvelle des contribuables.

Pour surmonter cette fatalité, la restriction de dépenses à proposer aux Français devrait porter soit sur leur niveau élevé de protection sociale, soit sur l'enseignement, soit sur la défense. Un choix simple et efficace mais impossible à formuler politiquement.

 

8 mars 2004

En attendant la rigueur, 08 mars 2004 Entre la

En attendant la rigueur, 08 mars 2004

Entre la pause et la reprise, l'activité économique inspire des prévisions optimistes aux responsables gouvernementaux alors que les conjoncturistes guettent la consolidation de tendances qui leur permettraient de sortir de l'expectative. Il s'agit surtout de la hausse du dollar et de la reprise des investissements, qui devraient favoriser la croissance.

 

Jusqu'à la mi-février, toutes les analyses se focalisaient sur un redémarrage plus dynamique que celui du scénario gouvernemental, prudemment calé sur un objectif de 1,7 %. Depuis trois semaines, les économistes se divisent en deux camps. Ceux qui persistent et signent, comme l'institut Rexecode, situent le taux de croissance à 2%. En révisant ses prévisions de 1,7% à 1,1%, la CDC fait partie de ceux qui doutent. Pour des raisons électorales évidentes, et aussi parce que sa fonction lui interdit de diffuser du pessimisme, le ministre du Budget se range dans le camp des optimistes en assurant que l'économie française connaîtra un taux d'expansion supérieur à 1,7%.

 

L'examen des indices déterminants montre qu'il n'y a pas grand chose à attendre de la demande intérieure, principal facteur de croissance jusqu'à ces derniers mois. Les soldes de janvier n'ont fait que compenser la baisse des achats constatée en décembre. En février, le moral des ménages était plus mitigé; dominé par une forte crainte du chômage, il révèle un recul des intentions d'achats même si la situation financière semble devoir s'améliorer; autrement dit, les menaces sur l'emploi incitent les Français à moins dépenser pour constituer une épargne de précaution. La consommation intérieure devrait cependant conserver un certain tonus avec une progression de 1,7% cette année.

 

Dans le commerce de détail, les commandes restent bien orientées malgré des stocks jugés un peu lourds mais avec les perspectives d'activités sont supérieures au niveau moyen de ces dernières années.

 

Le moral des chefs d'entreprises est plutôt bon, en hausse régulière depuis trois mois, avec des perspectives stables ce qui explique l'accélération du rythme de la production manufacturière. C'est la raison pour laquelle l'investissement devrait prendre, dans une certaine mesure, le relais de la demande intérieure en enregistrant cette année une hausse de 2,3%. Selon une enquête réalisée par l'ANPE, le pourcentage d'entreprises qui comptent embaucher augmente sensiblement de 18% en 2003 à 21% cette année.

 

Outre la différence de perception entre les ménages, très prudents, et les chefs d'entreprises plus confiants, un phénomène récent n'a pas été intégré dans les indicateurs conjoncturels. Constatant que leurs stocks de pétrole diminuent, les Etats-Unis importent davantage; pour que la reconstitution de leurs réserves leur coûte moins cher, ils font remonter le dollar. C'est une bonne nouvelle pour les économies européennes car la dévalorisation du dollar commençait à gêner sérieusement les exportations libellées en euros.

 

Un dollar moins gênant, une reprise des investissements et une demande intérieure stable devrait empêcher le chômage de dépasser le taux 9,8% d'ici à juillet prochain.

 

Ensuite, c'est à dire aux lendemains de la valse électorale scandée par les régionales, les cantonnales et les européennes, les dérives budgétaires dues à la baisse des impôts et à l'accroissement des dépenses, imposeront une période de rigueur. Car, pendant les élections les déficits se creusent plus que jamais. Il faut bien "acheter" les suffrages des clientèles électorales réticentes comme les restaurateurs ou les buralistes. 

 

25 février 2004

L'exercice solitaire de l'hyperpuissance, 25

L'exercice solitaire de l'hyperpuissance, 25 février 2004

Les mesures prises par le gouvernement américain contre des produits agro-alimentaires français s'expliquent par la confrontation commerciale entre les Etats-Unis et l'Europe, par les relations profondément dégradées entre Paris et Washington, par une attitude d'hyperpuissance et par la mentalité spéciale de l'administration Bush.

Les Etats-Unis sont engagés depuis longtemps dans une épreuve de force avec l'Union européenne. Ils ont lutté contre la réglementation européenne sur la viande aux hormones. Ils combattent toute mesure susceptible d'entraver les OGM. Leur attitude protectionniste sur l'acier européen et chinois vient d'être condamnée par l'Organisation Mondiale du Commerce. Dans ce contexte, leur décision contre les produits français doit être interprétée comme une réplique à l'embargo européen sur les œufs et volatiles américains.

La France est plus précisément visée en raison de l'âpre rancœur que nourrit George Bush à l'encontre de Jacques Chirac, auquel il ne pardonnera jamais d'avoir essayé de le traduire devant le Conseil de Sécurité des Nations Unis, comme devant un tribunal international, pour l'y faire condamner. Outre les campagnes de boycott orchestrées par des politiciens de hauts rangs, les entreprises françaises sont ouvertement bannies des appels d'offres pour la reconstruction de l'Irak. L'affirmation selon laquelle les normes vétérinaires françaises ne seraient pas à la hauteur de la sécurité alimentaire des citoyens américains exprime crûment le mépris dans lequel les officiels américains tiennent désormais tout ce qui vient de France.

Les Français, justement, ne semblent pas avoir bien pris la mesure de la brutalité qui caractérise le comportement de la première hyperpuissance qui ait jamais existé dans l'histoire de l'Humanité. Lors d'une récente conférence donnée à l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, Hubert Védrine a remarquablement décrit l'exercice solitaire de cette hégémonie planétaire. Elle est fondée, selon l'ancien ministre des Affaires étrangères, sur un « souverainisme » exacerbé: pas de concurrents, pas d'équivalents, pas de partenaires véritables; personne ne peut dire aux Américains ce qu'ils ont à faire, ou à ne pas faire, pour accomplir leur « destin manifeste ». L'unilatéralisme, c'est à dire la liberté que s'octroient les Etats-Unis d'imposer leur suprématie à leurs interlocuteurs divisés, est la stratégie souverainiste par excellence. Les Européens, et donc les Français, sont surpris parce qu'ils ont choisi depuis longtemps de remplacer les rapports de forces par la négociation.

 

L'administration Bush ne recule devant rien pour assurer l'efficience de ce « souverainisme » absolu. La semaine dernière, soixante scientifiques américains, dont vingt prix Nobel, ont reproché à leur gouvernement de manipuler les données environnementales et sanitaires « comme aucun autre gouvernement ne l'avait fait dans le passé ». Hier, des experts vétérinaires ont publiquement protesté contre les « distorsions » que le ministère de l'Agriculture et le ministère de la Santé infligent à leurs rapports, à seule fin de protéger certains intérêts commerciaux liés à l'agriculture américaine contre les importations étrangères.

 

 

16 février 2004

Quand rôdent les "repreneurs" 16 février 2004

Quand rôdent les "repreneurs" 16 février 2004

L'agonie d'Air Littoral rappelle les soubresauts qui avaient précédé la fin d'Air Lib. Avec dans le cas de la compagnie du Sud Est, un « repreneur » plus politique que ne le fut le prédateur hollandais d'Air Lib.

 

Dans le cas d'Air Littoral comme dans celui d'Air Lib, les danses macabres des repreneurs potentiels ont grandement perturbé la lisibilité du dossier. Après l'élimination du fonds d'investissements italien Seven Group qui prétendait investir onze millions d'euros, un repreneur se réclamant du « groupe Duménil » se faisait fort d'apporter quinze millions d'euros, avant de se désister à la dernière minute. Et c'est cette « dernière minute » qui explique la mort pré-électorale d'Air Littoral. 

 

L'entité Duménil possède des actifs dans l'immobiliser et dans le prêt à porter, ce qui ne la destine pas particulièrement à la gestion d'une firme de transport dans les circonstances difficiles que connaît l'aviation commerciale. Le Conseil Supérieur de l'Aviation Marchande avait d'ailleurs estimé que la faiblesse des fonds propres du « groupe » Duménil aurait fait peser de grands risques sur la pérennité d'Air Littoral.

Quant à la décision de la Direction Générale de l'Aviation d'immobiliser les avions en invoquant la sécurité des passagers, elle est peu compatible avec les audits et les contrôles permanents en vol et au sol, mais elle peut s'expliquer par la récente catastrophe aérienne de Charm El Cheikh. Il faut se souvenir en effet que l'autorité française de régulation du transport aérien a été très ennuyée, c'est un euphémisme, lorsque son homologie suisse a révélé une insuffisance de maintenance. Un principe de précaution poussé l'extrême peut se comprendre.

 

Mais les principaux ingrédients du drame social sont à rechercher dans la politique locale. Marc Dufour, ancien dirigeant d'Air Littoral, fait campagne sous l'étiquette UDF contre l'UMP Jacques Blanc qui est présenté comme "le fossoyeur" d'Air Littoral. Tout comme le sénateur UMP Jean-François Legrand, président du Conseil Supérieur de l'Aviation Marchande, avait été présenté comme l'instrument du gouvernement lorsque des doutes avaient été émis sur l'assise financière de la « solution Duménil ». Or, on ne voit pas pourquoi un ministre des transports appartenant à l'UDF (Gilles de Robien) aurait immobilisé les avions d'Air littoral, empêchant ainsi le candidat UDF Marc Dufour d'apparaître comme le sauveur de la compagnie régionale.

 

La vraie question à se poser est plutôt de savoir quel rôle aura joué le « groupe » Duménil pour essayer de faire apparaître l'UDF Marc Dufour comme le sauveur jusqu'à « la dernière minute ». C'est à dire, en fait, jusqu'aux lendemains des élections régionales. La fin d'Air Littoral eût été post-électorale.

 

Le brouillage politicien étant dissipé, restent les problèmes de fond. Entre la concurrence du Train à Grande Vitesse sur des distances moyennes et celles des compagnies à coûts très bas, il n'y a plus d'espace de viabilité pour les transporteurs classiques de petite envergure. Air France, qui a conquis sa taille planétaire de premier plan depuis son rapprochement avec KLM , n'est guère affectée par la disparition d'Air Littoral. La Commission de Bruxelles l'oblige même à céder une centaine de créneaux horaires à la concurrence.

                                        

9 février 2004

Les malédictions du Tunnel 09février 2004 La

Les malédictions du Tunnel 09février 2004

La baisse du trafic et la forte concurrence tarifaire resteraient des difficultés graves mais pas insurmontables si Eurotunnel ne distillait pas, depuis quatre ans, une véritable malédiction boursière. Cette triste aura est faite de scandales apparents et cachés, de personnages cauteleux qui s’agitent beaucoup sous les tournoiements de plus en plus serrés des fonds d’investissement appelés « vautours ».

 

Les premiers scandales visibles ont éclaté au printemps 2000 lorsque des actionnaires minoritaires ont porté plainte contre les conditions dans lesquelles avait été réalisée une augmentation de capital, six ans auparavant. Mais de 1990 à 1994, les banques s’étaient très largement enrichies sur les problèmes financiers rencontrés par Eurotunnel.

 

Il faut distinguer deux types d’activités prédatrices au détriment d’Eurotunnel. Le niveau apparent indique que des dirigeants auraient empoché au moins 44 millions d’euros en vendant des actions à découvert avant l’annonce de l’augmentation de capital. Le niveau opaque relève des profits que procure à certains le surendettement des autres. Le fait que la société ait été d’emblée saignée à blanc par ses créanciers, représentant des banques ayant pignon sur rue, est une des causes structurelles de la déconfiture d’Eurotunnel. De ce point de vue, les investigations d’une mission d’information parlementaire auraient un effet positif sur le moral des petits épargnants investisseurs. Pas seulement les 700 000 actionnaires individuels qui sont en train de perdre de l’argent pour avoir acheté 5,33 euros un titre qui vaut actuellement 0,5 euros.

 

D’autant que l’affaire Eurotunnel est un vrai cas d’école en matière de gouvernance et de transparence puisque les 720 000 petits porteurs qui détiennent 43% du capital ne parviennent pas à se faire entendre. La dispersion est évidemment déterminante dans cette impuissance. Mais il faut également s’interroger sur les motivations et les méthodes de personnages qui s’érigent en gourous de la spéculation, tribuns du boursicotage en ne manquant jamais de se présenter au moindre scrutin depuis l’amélioration substantielle du financement des campagnes électorales.

 

Les difficultés économiques objectives de 2003 compromettent un redressement qui s’annonçait pénible mais qui pouvait se concevoir avec les premiers résultats positifs de  2002. Aujourd’hui, malgré un rééchelonnement de la dette qui est passée de 13 à 9 milliards, chaque centime gagné par Eurotunnel est donné aux créanciers. Certains ont déjà vendus cette dette à des « fonds vautours », ainsi baptisés pour leur propension à se nourrir d ‘actifs dévalorisés. Dans ces conditions le plan « Galaxie » proposé par l’actuelle direction semble d’autant moins porteur d’avenir qu’il propose à la SNCF une baisse des tarifs tout en lui annonçant la concurrence d’Eurotunnel transformer en opérateur ferroviaire.

 

Sans essayer de refaire l’histoire, il aurait sans doute fallu injecter davantage d’argent public dans le financement d’un ouvrage aussi long à rentabiliser. Margaret Thatcher s’y était « libéralement » opposée.

 

4 février 2004

La fin du service public à la française 04

La fin du service public à la française  04 février 2004

Les transformations en cours à la Poste dessinent la fin du service public à la française. La seule question est désormais de savoir si les initiatives cumulées, mais non synchronisées, des syndicats, des élus locaux et du gouvernement pourront donner naissance à un service public du troisième type comme alternative à la privatisation libérale.  

Dans son programme d'éradication des monopoles en Europe, la Commission de Bruxelles, veut interdire le financement public des « sureffectifs notoires » en obligeant toute entreprise en charge d'un service d'intérêt général à travailler à des coûts comparables à ceux d'une société opérant sur le même créneau sans les subsides de l'Etat. Dans ce contexte, le   service public de la Poste devrait disparaître le 1er janvier 2007. 

Depuis quatre ans, les gouvernements français tentent de sauver l'essentiel des traditions monopolistiques nationales, en cherchant des appuis en Allemagne et en Belgique. Un projet de directive-cadre visant à atténuer les effets des décisions libérales de Bruxelles a été repoussé au Parlement de Strasbourg. Les "obligations spécifiques" fondées sur des critères d'intérêt général comme "la desserte au même prix de zones rurales dépeuplées et de zones urbaines" n'ont pas été retenues.     

Tel est le cadre dans lequel s'opèrent les transformations de la Poste virtuellement démantelée en trois filières: courrier, colis, clientèles financières et réseau grand public. Ce modèle avait servi à démanteler l'ORTF puis à privatiser une partie de l'audiovisuel; il avait également préparé la privatisation de France Télécom après l'éclatement des PTT en deux entités, les télécommunications et la poste.

Parmi les atouts du service public les plus convoités par les intérêts privés figure l'activité bancaire. Le ministère de l'Economie vient de faire passer un amendement qui permettra à la Poste de créer un établissement de crédit le 1er juillet 2005 au plus tard avec ouverture possible sur le marché du crédit à la consommation à partir de 2006. L'opposition des banques privée s'est nettement atténuée depuis qu'elles ont reçu la promesse de pouvoir nouer des alliances avec les 17 000 points de vente de la Poste, laquelle gère 200 milliards d'euros répartis sur 48 millions de comptes détenus par 28 millions de clients. Mais si les 70 000 employés des services financiers de la Poste pourront garder un statut de fonctionnaire pendant quinze ans au maximum, leur productivité est trois fois inférieure à celle de leurs homologues des banques privées. Le syndicats ont donc de sérieuses raisons de s'inquiéter.

Tout en prônant les vertus de la concurrence, les notables se font du souci pour la présence postale dans les régions à faible démographie, mais dont les habitants sont aussi des électeurs. Le Sénat a donc pris le relais du gouvernement pour essayer de défendre une idée résiduelle du service public à la française en proclamant que "La Poste contribue à l'aménagement et au développement du territoire national." Entre le monopole hexagonal et la privatisation libérale, un service public européen "de troisième type" était envisageable sur la base d'alliances entre les postes française, italienne et espagnole, notamment. Trop tard.

2 février 2004

Chômage 2004 29 janvier 2004 Il faut examiner au

Chômage 2004 29 janvier 2004

Il faut examiner au moins cinq paramètres pour essayer d'entrevoir comment le chômage peut évoluer en 2004. Une approche plus réaliste exigerait d'y ajouter les radiations massives de l'ANPE, qui viennent de commencer, et les effets de l'insécurité économique qui commence à se propager dans toutes les couches du salariat.

Le critère le plus familier est celui de la croissance. Les instituts de conjoncture s'accordent  avec le gouvernement sur une prévision de 1,7% d'augmentation de l'activité économique. L'année 2003 ayant connu un rythme d'expansion de 0,2% seulement, la reprise économique, bien que timide, devrait être favorable aux embauches.

Un deuxième paramètre, très instable, brouille les déductions de ce que le ministre du Travail appelle fort imprudemment « le retournement  ». Dans les années soixante-dix, quand l'industrie représentait encore une part importante de la production de richesses, la croissance économique ne commençait à créer des emplois qu'au-delà d'une progression annuelle de 3%. Depuis, l'extension du secteur tertiaire et la baisse relative du coût du travail permettent d'envisager une croissance pourvoyeuse d'emplois dans une fourchette comprise entre 1,2 et 1,7%. Ce qui signifie qu'on ne sait plus exactement à quel moment la croissance est stérile et à quel moment elle devient féconde… Aux Etats-Unis, une croissance de 8 % ne crée pratiquement pas d'emplois pour la simple raison que les grandes firmes vont chercher en Inde et en Chine des emplois (informatiques notamment) très qualifiés mais moins bien payés que sur le territoire national.

L'économie française n'est pas encore parvenue à ce dilemme. Mais tout aussi inquiétant est le fait qu'elle accuse un gros retard en productivité. C'est le troisième critère. Or, les aides fiscales annoncées par Jacques Chirac pour stimuler l'investissement des entreprises vont naturellement être orientées vers les gains de productivité, c'est à dire vers la recherche de valeur ajoutée obtenue aux moindres coûts de main d'œuvre. Concrètement: en annonçant la suspension de la taxe professionnelle, Jacques Chirac a peut-être déjà torpillé sa loi de mobilisation pour l'emploi…

Le quatrième critère, à priori favorable, est démographique. C'est le début des grands départs à la retraite des salariés nés aussitôt après la deuxième guerre mondiale. Ce phénomène pourrait amortir les effets négatifs d'une croissance stérile assortie de gains de productivité destructeurs d'emplois. Cependant, nul ne peut prévoir comment ces tendances contraires s'équilibreront.

Enfin, la contrainte extérieure, symbolisée par la parité du dollar et par le cours du pétrole, agit toujours sur les anticipations des chefs d'entreprises et sur le tonus de l'économie.

Au-delà de ces cinq critères, il faut désormais prendre en considération le fait que 200 000 personnes vont être « expulsées » des statistiques du chômage en janvier. Ces chômeurs radiés en fin de droits anticipée vont sombrer dans une précarité qui restera quasiment invisible parce que non mesurée. La misère, qui s'est considérablement accrue entre 2000 et 2002, va se répandre davantage cette année. Autour d'elle, un sentiment encore diffus d'insécurité économique jamais ressenti dans ce pays.

2 février 2004

Consommateurs 27 janvier 2004 Entre

Consommateurs 27 janvier 2004

Entre l'intervention étatique face aux risques alimentaires et la récupération altermondialiste, le pouvoir des consommateurs semble évanescent. En réalité, s'il n'a pas pu adopter des formes d'expression aussi visibles que celles de la mouvance écologiste, née en même temps, le « consumérisme »  reste très actif dans les instances européennes et sur internet.

Le rôle de l'Etat est une des principales explications à la faible capacité d'intervention des organisations de consommateurs en France. De 1945 à 1993, les pouvoirs publics n'ont jamais cessé de préciser les droits des clients et usagers. Enfin et surtout, une grande puissance agro-alimentaire ne peut pas s'en remettre au monde associatif pour faire face aux périls massifs représentés par les poulets à la dioxyne,  la « vache folle » ou la tremblante du mouton. Tandis que la loi encadrait les aspects commerciaux, l'expertise sen matière de sécurité s'est naturellement concentrée dans l'appareil d'Etat. Il ne restait plus aux associations de consommateurs qu'un petit espace de conseil juridique. Espace insuffisant pour justifier l'activisme féroce de l'avocat Ralph Nader qui a terrorisé, naguère, les plus grandes firmes automobiles américaines.

Par ailleurs, à la différence des mouvements écologistes qui peuvent cristalliser des courants d'opinion significatifs en organisant des évènements spectaculaires pour les médias, les associations de consommateurs ne disposent que du boycott comme moyen de pression ou de rétorsion. Les syndicats de salariés ont laissé passer l'occasion de sanctionner les industriels qui délocalisaient leurs productions afin de contenter leurs actionnaires : lorsqu'un fabricant d'aspirateurs a quitté la Côte d'Or pour l'Irlande, un appel au boycott de ses appareils aurait eu une valeur dissuasive. Le cours des actions de Danone a été déstabilisé après les fermetures d'usines LU et les initiateurs du boycott ont été menacés par les avocats du groupe, preuve d'une réelle inquiétude. Privées de moyens d'action spectaculaires, les organisations de consommateurs n'ont pas, comme les chasseurs ou les écologistes, de débouchés politiques à travers une capacité de nuisance électorale. Du coup, les altermondialistes tentent d'embrigader une partie de la sensibilité « consommériste » dans leur croisade anti-américaine à travers le commerce équitable, forme de marketing caritatif.

Outre une salutaire pédagogie du discernement dans les achats assurée par des revues spécialisées, c'est dans les instances européennes que les associations internationales de consommateurs font intervenir leur expertise, sur les colorants de certains jouets par exemple. La Commission de Bruxelles les consulte d'autant plus volontiers que, sur les OGM notamment, lesdites associations aident à légitimer des mesures de protection sanitaires et commerciales.

Enfin et surtout, internet joue un rôle considérable sur les marques et les réputations. A partir du livre culte « No Logo »(1), de grandes firmes transnationales ont été gravement atteintes par des campagnes menées sur le web. D'autres ont été condamnées pour publications financières mensongères en essayant de se justifier. Toutes les marques font désormais très attention à ce que se dit sur les forums.

(1) « No Logo » , Naomi Klein, éditions Babel –Actes Sud 2001, 2002

2 février 2004

Sécurité Sociale 22 janvier 2004 Trois questions

Sécurité Sociale 22 janvier 2004

Trois questions se posent à propos du consensus obtenu par Bertrand Fragonard. La première concerne le miracle de l'accord entre des protagonistes aux intérêts radicalement opposés. La seconde interrogation naît des contradictions flagrantes entre ce consensus et les déclarations gouvernementales. Enfin, s'il apparaît que le recours à la CSG limitera les effets des réductions d'impôts, les vertus pédagogiques de la synthèse de janvier n'excluent nullement un recours aux ordonnances en juillet-août.

Les intérêts contradictoires qui opposent les acteurs du systèmes de protection collective ont été mis en évidence en 2002 quand les 1400 euros d'augmentation mensuelle octroyée aux médecins ont été supportés par les entreprises et par les salariés. Non seulement les médecins n'ont pas ralenti leurs actes et prescriptions mais ils ont été accusé par leur ministre d'avoir été absents pendant la canicule de l'été 2003. Un rapport officiel a ensuite stigmatisé les entreprises qui détournent les arrêts de maladie de longue durée pour mettre leurs salariés âgés en fausse pré-retraite. Quant au nomadisme médical qui consiste, pour les assurés sociaux, à consulter plusieurs médecins, voire plusieurs spécialistes, sur une seule maladie, il est toujours allègrement pratiqué ainsi que la surconsommation de médicaments. Seule une rédaction particulièrement habile d'une synthèse très ouverte peut expliquer que tous les acteurs – syndicats et patronat, médecins, mutualités et assujettis - s'y retrouvent à ce point. L'accord général ne porte, au demeurant que sur le seul diagnostic.

Le flou lumineux, presque aveuglant, du « consensus Fragonard » ne saurait masquer des annonces antérieures nettement plus sombres. Alors que Jacques Chirac tentait de rassurer en écartant le mot « réforme » , Jean-Pierre Raffarin parle d'une « profonde adaptation » et Jean-François Mattéi prévoit une « réforme d'ensemble ». Parmi les intentions déjà à moitié avouées du gouvernement, la séparation entre l'assurance collective et la couverture des risques individuels comme les accidents de ski, la tarification à l'activité pour les hôpitaux et non plus par enveloppes globales, l'instauration d'un forfait sur chaque boîte de médicament, la baisse de l'indemnité maladie pour les fonctionnaires, l'élargissement de l'assiette de la CSG ainsi qu'une hausse de cette contribution. On reconnaît dans cette dernière orientation une stratégie de transformation des prélèvements obligatoires: alléger l'impôt sur le revenu, qui n'est plus très productif, et augmenter le rendement du prélèvement le plus largement supporté. Difficile d'envisager une préservation du consensus lors de la mise en œuvre ces mesures. D'ailleurs, le gouvernement a prévu une décision parlementaire après les élections, au début des vacances de juillet avec un possible recours aux ordonnances comme Alain Juppé en 1995-96.

L'absence de « recette magique » suggère que le « diagnostic partagé » a une valeur essentiellement pédagogique. Ce n'est pas forcer le scepticisme que de se demander pourquoi  le « miracle Fragonard » aurait réussi en trois mois là où seize plans de sauvetage ont échoué depuis 1977.

2 février 2004

Services publics 18 janvier 2004 Les trois

Services publics 18 janvier 2004

Les trois conflits sociaux qui se succèdent cette semaine ont en commun la particularité de poser la question de la rentabilité des services publics, de leur efficacité et du statut de leurs salariés.

Parmi les multiples contentieux qui opposent la Commission européenne à la France, le dossier EDF coûte cher. Paris est condamné à rembourser 1,2 milliards d'euros d'aides indues et à transformer l'actuel Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial en une société anonyme. Cette métamorphose pose trois problèmes : la réforme du système de retraite des agents d'EDF, l'ouverture le 1er juillet prochain de la concurrence sur le marché des PME et des collectivités territoriales et une éventuelle privatisation de l'entreprise. Bruxelles n'exige pas cette solution mais l'Etat français a besoin d'argent. Francis Mer étant resté évasif, les syndicats ont de bonnes raisons d'envisager la privatisation. Or, l'exemple de France Télécom montre que toute ouverture du capital d'un groupe public très endetté s'accompagne fatalement de suppressions d'emplois massives. Et l'endettement d'EDF atteint un niveau insupportable pour une entreprise publique.

A la SNCF, les exigences de la Commission se manifestent de manière indirecte. La pression de Bruxelles sur les déficits publics amène l'Etat à exiger de ses entreprises une réduction des coûts et des gains de productivité. D'où le désaccord sur les salaires des cheminots et l'annonce de 3500 suppressions d'emplois.

Au cœur du malaise qui persiste depuis plusieurs années dans les hôpitaux, la réforme conçue par Jean-François Mattéi contient également une volonté de réduire les coûts. Elle est perceptible dans le regroupement des services traditionnels au sein d'unités plus larges, appelées « pôles d'activités », et dont les responsables devront négocier leur budget avec la direction de l'établissement. Là encore, la question du service public est posée à travers la « culture du résultat » que le ministre veut imposer à des personnels qui dénoncent l'introduction du principe de la tarification à l'activité.

Aux bouleversements qui se préparent dans les secteurs de l'énergie, des transports ferroviaires et des hôpitaux, les syndicats peuvent opposer de fâcheux exemples de libéralisation. La grande panne électrique qui a paralysé la Californie est à mettre au passif de la gestion privée d'une activité aussi cruciale. De la même manière, la re-nationalisation des chemins de fer britanniques apporte la preuve que les actionnaires privés s'intéressent moins aux investissements qu'à leurs dividendes; des voyageurs sont morts du manque d'entretien du réseau. Enfin, le culte de la rentabilité donne lieu, dans les hôpitaux américains, à une atroce répartition de la possibilité de guérir ou de mourir selon que le patient a souscrit, ou non, à une assurance privée très chère.

Au-delà des conflits qui recouvrent sans doute aussi des crispations sur des droits acquis à des époques révolues, les Français devraient être consultés sur le choix entre, d'une part, des services publics fiables dont ils supporteraient les surcoûts comme contribuables et, d'autre part, des allègements d'impôts qui reviennent à confier leur sécurité à des intérêts privés. C'est peut-être LE débat national du moment. L'arbitrage des citoyens-usagers éviterait une confrontation stérile entre le libéralisme bruxellois et le corporatisme syndical avec, au milieu, un gouvernement exposé aux échéances électorales.

2 février 2004

Dérégulations 13 janvier 2004 Après le vote de la

Dérégulations 13 janvier 2004

Après le vote de la loi sur la négociation collective et en attendant la réforme du droit de grève, deux rapports – l'un aujourd'hui sur le contrôle des chômeurs, l'autre demain sur les contrats de travail – confirment que la condition sociale des Français est en train de basculer.

Ne rencontrant aucune résistance, ni syndicale ni politique, le gouvernement accélère la déréglementation de l'économie française. Notre pays vivait jusqu'ici sur l'idée que les acquis sociaux obtenus pendant les périodes fastes ne pouvaient pas être gravement remis en cause et sur une confiance instinctive à l'égard d'un Etat régulateur des conflits entre possédants et salariés. La première brèche, décisive, a été ouverte le 6 janvier avec le vote de la loi Fillon sur la négociation collective. Une des dispositions de cette loi déstabilise le droit du travail en permettant à des accords d'entreprises de déroger aux accords de branches et interprofessionnels même si les accords d'entreprise sont moins favorables aux salariés. Compte tenu du faible taux de syndicalisation, la possibilité est offerte aux chefs d'entreprises, notamment dans les PME, de revoir à la baisse tous les acquis sociaux de leurs employés. Une fracture s'installe dans le salariat entre les entreprises où des organisations peuvent paralyser l'économie et les autres, qui doivent s'attendre à subir diverses régressions. Tout en votant cette loi, un député UDF s'est inquiété de « la fragilisation des salariés » et des « risques d'anarchie sociale. 

Hier, François Fillon recevait le rapport Marimbert sur le contrôle de la recherche d'emploi par les chômeurs. Ce document constitue l'une des deux mâchoires de la tenaille qui se resserre sur les chômeurs. La première a été annoncée le 30 octobre avec l'abrogation légale du monopole de placement de l'ANPE afin de que soient pourvues les 300 000 offres d'emploi non satisfaites. La seconde mâchoire se situe dans les préconisations du rapport Marimbert : rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC mais surtout « élargissement des possibilités de décision de retrait de l'indemnisation ». Concrètement, les chômeurs qui refuseront d'accepter une des 300 000 offres d'emplois risquent de perdre toute indemnisation quels que soient leurs qualifications et les salaires « imposés ». On ne saurait assez dire que le marché du travail sera désormais régulé par les seules exigences des chefs d'entreprises.

Aujourd'hui le rapport Virville sur la simplification du droit du travail devrait prôner la création d'un CDD de longue durée, pouvant aller jusqu'à cinq ans. Cette mise en cause directe du CDI ,qui constitue la norme du salariat, étend la précarité jusqu'aux professionnels les plus qualifiés. Elle répond au désir récemment exprimé par le président du MEDEF d'installer la main d'œuvre française dans une totale flexibilité, les carnets de commandes déterminant la permanence ou le caractère intermittent de l'emploi.

Complétant cette révolution néo-libérale, la prochaine limitation du droit de grève par l'instauration d'un service minimum aura mis en quelque mois la presque totalité des salariés français à la disposition des « lois du marché ».

2 février 2004

Soldes 5 janvier 2004 En stimulant la

Soldes 5 janvier 2004

En stimulant la consommation des ménages, les soldes contribuent traditionnellement à accroître l'expansion économique. Le soutien à l'investissement des entreprises annoncé par le président de la République devrait amplifier cette contribution à la croissance en 2004. Le tout s'accompagne d'une perplexité persistante sur les effets de la baisse du dollar puisque, contrairement à toutes les prévisions, les exportations ont progressé à la fin de l'an dernier.

La vigueur de la croissance économique dépend du régime de puissance de trois moteurs : la demande intérieure, qui comprend les dépenses de l'Etat , des collectivités et la consommation des ménages; les investissements des entreprises et les exportations.

En 2001, le taux de croissance de 2,1% avait été porté par une progression de 2,7% de la consommation des ménages alors que les deux autres moteurs étaient en panne ( investissements) ou ralentissaient (exportations). L'année suivante, une consommation des ménages en hausse de 1,4% avait permis à la croissance de résister à 1,2%.

En observant de plus près ce qui s'est passé au cours des trois trimestres étudiés par l'INSEE sur l'année écoulée, on constate une corrélation très forte entre l'évolution du PIB et celle du moteur de la demande intérieure. Au premier trimestre, une consommation beaucoup plus faible que lors des années précédentes (0,7%) laisse la croissance tomber à 0 %. On doit relever ici que les soldes d'hiver 2003 n'ont pas vraiment stimulé les dépenses des familles. Au deuxième trimestre, pendant les grèves, la consommation a été nulle et la croissance est tombée à –0,4%. Au troisième trimestre – qui englobe les soldes d'été – il y a sans doute eu un effet de rattrapage car la consommation en hausse de 0,5% a permis à la croissance de se redresser vers 0,4%.

Mais, les chiffres définitifs du troisième trimestre recèlent une surprise: en progression de 0,8 % malgré la dévaluation compétitive du dollar, les exportations ont joué un rôle plus important que la demande intérieure. Du coup, et dans l'attente des données sur le 4ème trimestre caractérisé par la chute accentuée du dollar, il devient difficile d'attribuer un rôle plus déterminant à la demande intérieure qu'aux ventes à l'étranger.

D'autant qu'en annonçant une exonération fiscale pour les entreprise, le président de la République créé les conditions d'un redémarrage du moteur des investissements. Théoriquement devrait s'enclencher, à la faveur des soldes, une montée en régime de la consommation qui inciterait les chefs d'entreprises à accroître leurs capacités de production grâce aux facilités fiscales qui viennent de leur être promises. La synchronisation de ces deux moteurs de croissance devrait atténuer un éventuel ralentissement du moteur des exportations.

Ce scénario de la reprise reste soumis à des variables psychologiques comme l'effet stimulant des allègements fiscaux et l'effet inhibant de la crainte du chômage sur la consommation des ménages.

C'est par comparaison avec ce qui s'est passé dans les magasins pendant les fêtes de fin d'année que l'ambiance des soldes d'hiver projettera sur l'année 2004 les lueurs d'un indice avancé.

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